On leur avait menti, l'Eldorado prévu, se termina pour beaucoup en catastrophe (document retrouvé dans les archives du Doubs)
Il semble donc que peu de personnes de Obenheim furent tentés par l'aventure.
Une famille du village, pourtant, était partie, déjà en 1832 : la famille FARNY.
A l'origine, ils voulaient émigrer en Amérique, et firent donc le voyage vers le Havre pour s'embarquer en direction du Nouveau Monde. Mais leurs passeports furent refusés. Le pouvoir royal voulant peupler l'Algérie, les embarqua sur le brick « L'Emilie » (500 personnes) en direction de l'Algérie récemment conquise. Contre leur gré, les FARNY se trouvèrent de ce fait parmi les tout premiers colons civils qui peuplèrent l'Algérie.
Après maintes péripéties, ils débarquent à Alger le 10 septembre 1832. La vie y était dure, et le pays non équipé ne leur facilitait pas le travail. Les terres étaient marécageuses et infestées de moustiques et l'insécurité régnait.
La famille Farny reçut environ quatre hectares de terre, des semences, des outils, des vivres et même de l'argent, mais ils découvrirent vite que leur nouveau pays n'était pas l'Eldorado. Deux ans après la « conquête », la France ne contrôlait que de petites enclaves autour de quelques grandes villes, le reste étant en butte aux perpétuels assauts des guerriers d'Abd-el-Kader.
Installés dans un premier temps à Kouba, dans la plaine de la Mitidja, ils se mirent au travail pour créer une petite exploitation, qui se révéla désastreuse. Il fallut changer d'endroit et partir vers Birkadem puis, quelques années plus tard, à Boufarik.
Ensuite, la famille connut des drames : en octobre 1839 l'un des fils, Christian, décède à l'âge de 13 ans, à Birkadem ; deux semaines plus tard, en décembre, le père décéde à l'âge de 54 ans. Ensuite, trois enfants décèdent de congestion pulmonaire ou de diarrhées chroniques à l'hôpital militaire de Boufarik (simple poste de secours régimentaire) : Georges en 1841 à 21 ans, Philippe en 1843 aussi à 21 ans et enfin Jacques en 1846 à 32 ans. Plus tard, à une date indéterminée, la mère et le fils aîné disparaissent sans laisser de traces, sans doute victimes de la guérilla qui sévissait. Il ne restait plus que deux filles, Anne-Marie et Marie-Louise. Des descendants restèrent en Algérie, avant le retour sans gloire en métropole des années plus tard.
Quelques éléments généalogiques
Léonard FARNY, né en 1698 à Berne, en Suisse, vint s'installer à Illhausern, dans le Haut-Rhin. Son fils vint peut-être s'installer à Obenheim (Bas-Rhin), en tous les cas le petit-fils de Léonard, Jean-Georges FARNY, y décède le 13/12/1810. Cultivateur dans ce village, il avait épousé à Diebolsheim, le 09/12/1775, Anne-Marie HOTZ, originaire de Barr, non loin de là. Le couple décède successivement en 1810 et 1820 à Obenheim. Ce sont les parents de notre émigrant : Jean FARNY.
Jean FARNY est né à Obenheim le 08/04/1785. Il est cultivateur et épouse à Obenheim, le 13/04/1812, Anne-Marie Salomé OBRECHT, née le 24/06/1780 à Sundhouse. Jean décède en Algérie le 31/10/1839 et Anne-Marie entre 1834 et 1878. Le couple aura 8 enfants :
- FARNY Jean junior, né le 14/02/1813 à Obenheim.
- FARNY Jacques, né le 09/02/1815 à Obenheim, décédé le 18/09/1846 à Boufarik (Algérie).
- FARNY Anne-Marie, née le 03/09/1817 à Obenheim, décédée le 27/12/1872 à El Affroun (Algérie). Elle épousera entre 1843 et 1853, à El Affroun, Joseph POLLA, un Italien né en 1805, tailleur de pierre, et qui décèdera à Djidjelli (Algérie) le 21/07/1853. C'est Anne-Marie qui élèvera sa petite soeur, Marie-Louise, qui suit.
- FARNY Georges, né le 22/03/1820 à Obenheim, décédé le 10/04/1841 à Boufarik.
- FARNY Philippe, né le 07/07/1822 à Obenheim, décédé le 15/01/1843 à Boufarik.
- FARNY ?, né entre 1824 et 1832.
- FARNY Christian, né en 1826 à Sundhouse, décécé le 16/10/1839 à Birkadem.
- FARNY Marie-Louise, née le 13/09/1834 à Alger, décédée le 24/11/1903 à Constantine, couturière, aubergiste. Elle épousera à Constantine, le 24/06/1878, Jean-François FOUQUET, originaires des Bouches-du-Rhône, aubergiste, et décédé à Constantine en 1879. Ce couple aura 5 enfants : Alfred, Jeanne-Marie, Augustine, Victorine et Jules Marius.
Voilà, succinctement résumé, le destin de cette famille, partie pour avoir une vie meilleure en Algérie, et qui y rencontrera bien des malheurs.